Culture et influence de Basquiat (Magazine Souche)

 Au moment d’écrire ces lignes, Basquiat est la vedette de la nouvelle exposition du Musée des Beaux-Arts de Montréal (à voir absolument) qui explique son lien viscéral avec la musique.  Trente-quatre ans après son décès, ce jeune néo-expressionniste semble encore à sa place artistique aujourd’hui.

Artiste influenceur du New-York des années 80, il a sorti le graffiti, le hip-hop, le rap, le punk de la rue, de l’underground.  Avec l’aide de son ami Andy Warhol, New-York ado a pu être vu par tous.  Maintenant que New-York est un adulte mature (et beaucoup plus propre), l'œuvre de Basquiat aurait-elle l’aspect d’un album photo qu’on regarde pour se souvenir du passé?  Hummm!

Si vous avez vu l’exposition du MBAM, vous savez à quel point la musique a son importance dans sa création comme le jazz et le blues pour que cette musique du passé soit transformée en quelque chose de nouveau tout en la respectant et en lui rendant hommage.  Basquiat n’a pas inventé ce style “d'hommage", il est vrai, cependant, il avait une manière unique de tous les rallier ensemble.


Son influence se voit encore!  Il suffit d’écouter le nombre de fois où son nom est cité dans la musique hip-hop ou jazz dans les dernières années comme Basquiat and Skittles de MonoNeon (1), Basquiat de Jamila Woods (avec Saba(2)) et Picasso de Jay-Z.  Souvent, dans ces chansons, ce sont des petites citations de  son nom par-ci par-là sans rien plus.  

Pourtant, Jay-Z va un peu plus loin que les autres.  Il prétend être le “nouveau” Basquiat (I’m the new Jean-Michel).  Cependant, il faut le voir comme une continuation du grand projet de Jean-Michel Basquiat et la reconnaissances des difficultés qu’un homme noir rencontre quand il veut realiser sa destinée ou vivre libre (être humain libre).  Comme JMB est décédé à 27 ans, Jay-Z continue (reprend la relève) et devient  plus vieux.  Comme disait Tierney Sneed (2013) : “Jay-Z est Basquiat devenu vieux”.  Est-ce cela explique la drôle coiffe de Jay-Z?😏

                 

Photo de Andy Warhol, 1982          Jay-Z, 2021.

Pour aller encore plus loin, JMB semble avoir encore sa place artistiquement et socialement  parlant car, étant homme noir, il retrace  le racisme du passé en évoquant  les droits civiques de Martin Luther King Jr, le jazz, le blues et il relève le racisme de son époque, les injustices, les meutres d’hommes racisés par la police, trop de prisonniers noirs (surreprésentation en prison mais très peu dans d’autres domaines).  Cela nous rappelle Georges Floyd et le mouvement Black Lives Matter (suite au décès de Trayvor Martin), la surreprésentation carcérale, les bavures policières, les personnes racisées sont peu vues dans les médias traditionnels (catastrophique au Québec) font encore partie du quotidien.  Il y a peu d’avancement depuis tout ce temps.  Rien ne semble encore acquis, c’est un combat constant.

Mississippi Delta, 1983.


Étant aussi un homme noir de deuxième génération dans une Amérique blanche (son père était haïtien et sa mère était portoricaine) où il cherche sa place et qui cherche ses repères dans le passé culturel, il finit par devenir une (notre) référence lui-même pour les enfants et les jeunes familles immigrantes de deuxième ou autre génération (surtout au Québec où ce genre de reconnaissance de soi chez l’autre est presque inexistante).  La pièce de théâtre Lequel est un Basquiat? de Philippe Racine parle de cette identité noire difficile à définir dans un monde québécois pure laine ( ou de Souche😉) pour ces immigrants nés Québécois.


Lequel est un Basquiat?  de Philippe Racine, 2022.



Ce “poids” que vivent ces enfants immigrants peut se voir avec le symbole fétiche de la couronne.  Avez-vous vu Fresh Prince of Bel-Air 2022?  Cette nouvelle version du sitcom des années 90 démontre parfaitement  le poids et la pression de l’excellence dans tous les domaines ou dans un seul en particulier pour être minimalement reconnu dans ce monde de blancs.  Il faut toujours en faire plus pour  avoir cette couronne et encore plus pour la garder (Carlton et ses problèmes d’anxiété et l’acceptation du groupe primal en fermant sa bouche devant les micro agressions de ses camarades d’école - Will et son talent en basket-ball assure un semblant de paix familiale).



Il est vrai que, dans ses oeuvres artistiques, JMB semble peu démontrer directement ses origines haïtiennes et portoricaines sauf son tableau (sans titre, 1988) où il a dessiné Docteur en médecine, écrivain, poète, politicien et j’en passe haïtien Jacques Stephen Alexis (1922-1961) avec son fameux chapeau (Alexis dénonçait  le régime de François Duvalier au péril de sa vie).  JMB s’est séparé de ses parents à l’âge de 17 ans et a quitté le high school afin d'acquérir ses connaissances sur le terrain comme les vieux musiciens de jazz qui apprennent par tradition orale. 

       

Sans titre, 1988.                                        Jacques Stephen Alexis, 1945.


Comme mort à 27 ans, comme tout ado ou jeune adulte (appelé adulescent aujourd’hui), on ne veut plus être associé avec le bagage culturel de nos parents (même les pures laines).  On veut suivre le courant, on veut être dans le coup (suivre la mode et être à la mode).

 

Toxic, 1984.  

 

   Rumours de Timex Social Club, 1986.

 

Mode pour homme 2022.   Il a réussi à mettre en avant une mode intemporelle.

C’est plus tard qu’on revient en arrière, à nos racines, à la beauté du passé parental et familial.  Malheureusement, JMB n’a pas eu le temps de boucler totalement la boucle avec son héritage, son ADN.

    In This Case, 1983. 

 Toussaint Louverture, 1803.       

  Affiche, 1985.

  

JMB est surtout reconnu pour ses liens et sa participation avec l’underground new-yorkais autant pour ses graffitis, le pop-art (avec Andy Warhol), le néo-expressionnisme et le collage.  Il semble avoir mis sur la carte de l’Art l’importance de ces expressions artistiques  où il pouvait  montrer et démontrer (revendiquer) les injustices de toutes sortes, rendre hommage au jazz et au blues, au début du punk, du rap, du hip-hop et de son quotidien new-yorkais.  Il est une source de référence et une inspiration pour bien d’autres peintres actuels comme Sergi Mestres, Lemdiya Medeya, Nathalie Molla et bien d’autres.

 Basquiat, S. Mestres  

  Jean-Michel, L. Medeya 

Basquiat, N. Molla



Il serait possible de continuer pendant longtemps et de décliner encore plus son influence, sa place artistique actuelle comme sa vision anatomique interne et externe (comme Frida Kahlo) du corps humain (les deux ont eu un accident qui a changé leur vision de notre enveloppe corporelle).  Cependant, on pourrait faire un clin d'œil à la bd ou le dessin animé comme Spider-Man : Into the Spider Verse.  Un instant…  Les explications arrivent.  Miles Morales (le personnage principal de l'animé) a un père afro-américain et une mère portoricaine, il fait des tags / des graffitis dans les rues de New-York, dans l’underground, fait passer des messages concernant sa ville et sur sa vie actuelle tout en écoutant du hip-hop (Sunflower de Post Malone et Swae Lee).  Il porte aussi le poids de la couronne car il doit aller dans une école privée où il ne voit pas / ne reconnait plus ses repères et ses pairs.  On s’attend de lui un certain niveau d’excellence et de réussite (encore plus en devenant super-héros).  Même si, à l’origine, l’influence principale est Barack Hussein Obama, est-ce lui le nouveau Basquiat?  Bon, il devient le nouveau Spider-Man dans cet univers mais il y a quand même une passation de pouvoir.

Spider-Verse, 2018.





1. “That I’m Basquiat, eating Skittles, wearing my crown, turning my frown upsi

2. Chanson sur Black Lives Matter de la de down.”même manière que Basquiat évoquait le manque de changement entre la période des droits civiques et Martin Luther King Jr et les bavures policières des années 80.


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